Séance publique du 18 octobre : allions prévention, sanctions et cohésion sociale pour améliorer la sécurité en Isère
Intervention de Marie Questiaux lors de la séance publique du 18 octobre 2024
Chers collègues
Ces dernières années, la violence envers les agents et les élus, représentants du service public, s’est intensifiée, compliquant considérablement le travail des agents. Nous tenions à rendre hommage à notre tour à Lilian Dejean, un agent dévoué qui a perdu la vie dans l’exercice de sa mission de service public et à adresser toutes nos pensées à sa famille et à ses collègues.
À cette violence s’ajoute la complexité croissante de leurs missions. J’échange régulièrement avec les forces de l’ordre ou les gendarmes de mon canton. Ils me décrivent leur malaise face à la transformation de la nature de leur travail. En milieu rural comme en ville, ils endossent désormais au gré de leur interventions des rôles d’assistants sociaux, voire d’aidants de dernier recours, en particulier face à une jeunesse de plus en plus victime de violences intrafamiliales. Ils se retrouvent en première ligne face à des problématiques complexes, liées à l’aggravation de la crise sociale et à la disparition d’un service de prévention coordonné. Ils n’ont ainsi plus autant la possibilité de remplir leurs missions de base, impactant le sens de leur travail, me témoignent-ils.
Penser des démarches collectives
Car, et vous le dites très bien dans votre rapport, la sécurité est une démarche collective, reposant sur le développement de partenariats actifs entre les divers acteurs publics et privés, professionnels ou citoyens, et les services de l’Etat chargés de la sécurité. C’est d’ailleurs pour cela que nous voterons pour ce rapport.
Permettez-moi néanmoins d’avancer quelques pistes de réflexion pour apporter une vision plus centrée sur la prévention et la cohésion sociale qui manquent à ce rapport.
Les arbitrages politiques budgétaires mais aussi une certaine idéologie ont déstructuré les démarches collectives. Au-delà de la délétère politique du chiffre appliquée aux policiers, au-delà de la disparition de la police de proximité, notons aussi que la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les éducateurs, les travailleurs sociaux – bref tous ceux qui assurent le travail de prévention – sont aujourd’hui en crise.
Ce système est aujourd’hui en danger notamment avec la suppression de nombreux postes dans la protection judiciaire de la jeunesse. Plus globalement c’est l’ensemble des travailleurs sociaux qui, comme le soulignait l’ODAS dans son dernier rapport, sont au pied du mur.
De plus, l’annonce de la suppression de 4000 postes d’enseignants, notamment dans le primaire n’augure rien de bon, surtout quand le rapport PISA pointe années après années que la France est un des pays qui réussit le moins à atténuer l’impact du milieu socio-économique sur les résultats scolaires.
Or, le Département joue un rôle majeur en matière de prévention de la violence à travers ses compétences en matière d’action sociale. Il est donc de son ressort de tout faire pour reconstruire un réseau entre les différents acteurs. Cela constitue l’une des premières réponses pour prévenir le passage à l’acte.
De nouvelles approches
Au-delà du réseau d’acteurs, les évolutions récentes ou la levée de tabous dans notre société nous obligent à adopter de nouvelles approches.
Je pense tout d’abord à la nécessité d’une approche volontariste en matière de violences intrafamiliales. Nous saluons donc les avancées dans cette convention concernant ce sujet. En effet, en plus de la nécessité de protéger dès maintenant les femmes et les enfants de ces violences, nous savons que les victimes de violences sont plus sujettes à soit en subir de nouveau dans leur vie d’adulte, soit devenir agresseur à leur tour.
Sachant que 10% des enfants sont victimes d’inceste, avons-nous la connaissance du nombre d’enfants repérés par les services publics en Isère ? Avons-nous même des objectifs communs avec l’ensemble des partenaires pour se dire qu’en 2030 plus aucun enfant ne sera laissé seul dans sa souffrance ? Les organismes d’éducation au consentement et aux stéréotypes de genre, comme le planning familial, ont un rôle énorme à jouer. Nous ne cessons pas de réclamer un financement pérenne pour ces structures car elles voient depuis des années leur capacité d’agir s’amoindrir du fait de budget qui diminue ou n’évolue pas malgré l’inflation et les revalorisations salariales.
Lutter contre les agressions racistes et antisémites
Autre piste de réflexion : Dans un contexte d’explosion des agressions racistes et antisémites, il est important d’entendre la demande de sécurité de celles et ceux qui vivent avec la peur que leur couleur de peau ou leur appartenance supposée à telle ou telle religion leur valent d’être discriminée ou agressée. Cela nécessiterait là aussi des actions de prévention et de formation pour repérer les cas d’agressions et apporter des réponses adaptées.
Il nous semble également que ce partenariat devrait être l’occasion d’une coopération renforcée sur les questions de santé mentale. Lors de la récente semaine de la santé mentale, de nombreux acteurs ont tenté d’expliquer la situation désespérée et la crise sans précédent que traverse la psychiatrie en France. Peu de personnes passent à l’acte de sang-froid. Combien d’incendies, d’agressions ou d’incivilités sont le fait d’individus qui auraient besoin d’un véritable suivi psychiatrique ? L’Etat est largement responsable.
Pour une approche globale
Enfin, une approche globale s’impose, notamment concernant le trafic de drogue et les rixes qui gangrènent la métropole de Grenoble. Je salue les efforts des services de police, du procureur de la République, du préfet et de tous les élus locaux dans l’identification et l’arrestation des dealers. Mais ce combat reste extrêmement difficile et le manque de moyens de l’Etat est là-aussi largement responsable. Les consommateurs doivent être responsabilisés : l’usage n’est pas anodin et se fait au détriment des habitants de ces zones de deal. Mais cela nécessite également des moyens dans la santé publique pour aider les consommateurs à sortir de la drogue.
Par rapport à la prévention des rixes, un programme en Seine Saint-Denis est en cours avec des actions de prévention, notamment par l’accompagnement à la parentalité, et avec des actions de détection en amont des rixes via la cyber-sécurité sur les réseaux sociaux. Cette problématique est loin d’être le monopole de l’Isère et d’autres territoires expérimentent des dispositifs très pertinents.
En conclusion, bien que nous soutenons globalement le contenu de ce rapport, nous souhaitions promouvoir une vision équilibrée de la sécurité publique alliant prévention, sanction et cohésion sociale.