Intervention de Thierry Badouard lors de la Séance publique du 18 octobre 2024 au conseil départemental de l’Isère

Le contrôle des délégations de services publics par l’assemblée délibérante est un sujet sérieux. Dans certains cas, les montants engagés se comptent en dizaines de millions d’euros annuels. Malheureusement, le rapport que vous présentez n’est constitué que de mini-synthèses des rapports annuels d’activité des différents délégataires de services publics du Département de l’Isère. Nous regrettons que seules ces mini-synthèses ne soient mises au vote et donc disponibles par la suite aux citoyens. Si nous avons la possibilité, nous élus, de consulter ces rapports, de simples citoyens soucieux de la bonne gestion de l’argent public ne peuvent pas accéder à cette information précieuse. C’est regrettable ! Il est tout aussi regrettable que, contrairement aux années passées et à la bonne pratique, ces rapports n’aient pas été non plus partagés avec les associations d’usagers dans la cadre de la commission consultative des services publics locaux.

Il est également fort regrettable que le projet de reconduite de la délégation de service public pour l’aéroport de Saint Geoirs ne soit pas présenté en séance publique. Nous nous apprêtons à voter ce rapport en commission permanente dans un cadre plus restreint, sans la presse et sans le public. Cela donne l’impression que certaines décisions sont prises sans la transparence nécessaire. C’est pourquoi, mon propos va porter sur votre projet de future Délégation de Service Public pour l’aéroport. 

Ce n’est un mystère pour personne dans cette assemblée, notre groupe Isère Écologie et Solidarités est fermement opposé à la poursuite de l’activité de cet aéroport. Les raisons en sont nombreuses. 

L’avion, un mode de transport polluant

Pour commencer, le transport aérien, comme chacun le sait, est un mode de déplacement très polluant. Un mode de transport qui promeut aussi l’accélération des cycles et des modes de vie, l’exigence de d’immédiateté. Dans de nombreux cas, c’est un moyen de transport qui fait concurrence au ferroviaire et qui affaiblit notre entreprise publique qu’est la SNCF.

C’est aussi le mode de transport qui consomme un carburant exonéré de toute taxe, donc de toute contribution à l’effort national aux finances publiques. En matière de transport, l’aviation est donc LE passager clandestin des politiques fiscales. Enfin, de multiples études l’ont démontré, l’aviation est un mode de transport largement réservé aux catégories socioprofessionnelles les plus aisées. Cet argument prend une ampleur d’autant plus importante lorsqu’il s’agit de l’aviation d’affaires, réservée aux plus riches parmi les riches. Soutenir le transport aérien revient donc à promouvoir un mode de transport polluant qui est exonéré de l’effort de solidarité national en matière fiscale, à rebours complet du principe de pollueur-payeur. Voilà pour l’approche générale. 

Quant à l’aéroport de Saint Geoirs, avant de relancer une nouvelle Délégation de Service Public (DSP) pour 10 à 12 ans, il aurait été bon que vous présentiez publiquement un bilan de la précédente DSP, initiée en 2009 et que votre majorité à prolongé de 3 ans et demi en 2018. L’échec est cuisant. Calibrée sur une estimation de 450 000 voyageurs par an, l’aéroport atteint péniblement les 300 000 voyageurs par an en moyenne depuis 2010, beaucoup moins encore depuis la période covid. Durant les 10 dernières années, ce sont au bas mot 20 millions d’euros de subventions publiques que l’aéroport a englouti. 2 millions par an de subvention d’équilibre, ce n’est pas rien, d’autant qu’il s’agit de budget de fonctionnement.

Un financement public de 2 millions d’euros par an


2 millions par an, c’est l’équivalent du coût de 40 emplois à temps plein. Nombre de structures partenaires du Département souhaiteraient bénéficier de 2 millions de subvention d’équilibre pérennes. Mais le pire dans cette histoire, c’est que l’entreprise Vinci, opératrice de l’aéroport, est déficitaire depuis trois ans. Malgré les 2 millions de subventions versés par le Département en 2023, Vinci a enregistré plus de 2 millions d’euros de déficit. Donc, sans les subventions du Département de l’Isère, le déficit de Vinci pour de l’aéroport de Saint Geoirs aurait atteint en 2023 plus de 4 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros, soit 40% de déficit. Notre collectivité finance donc une activité qui est structurellement déficitaire, ce qui est contraire à l’objet de la délégation de service publique qui veut que le délégataire assume le risque d’exploitation. 

Mais, au fait, à quoi bon un aéroport en Isère ?

Les aéroports internationaux de Saint Exupéry et de Chambéry, également géré par Vinci, sont situés dans un rayon de 70 kilomètres. L’objet de l’aéroport de Saint Geoirs est donc de recevoir les “charters des neiges” qui atterrissent les samedis d’hiver. Nombre sont opérés par des compagnies à bas coûts, notoirement connus pour la brutalité de leur politique salariale envers leur employés et leurs relations délétères avec les collectivités territoriales. Nombre de procès ont documenté ces faits.

L’aéroport de Saint Geoirs n’est donc pas un outil de transport pour les isérois mais pour des voyageurs, à 80% anglais, venant rejoindre les stations de haute altitude déjà sur fréquentées, dont la venue ne bénéficie pas à l’emploi ou la richesse de la population locale car le fameux ruissellement ne s’opère plus. Et pire, leur venue pourrait empêcher les isérois de venir skier le week-end puisque certaines stations de ski ont publiquement émis l’hypothèse de mettre en œuvre une politique de quotas sur les forfaits. 

Le nouvel objectif d’augmenter le nombre de jets privés

Mais ce n’est pas tout. Le projet de nouvelle Délégation de Service Public (DSP) que nous voterons en commission permanente inclut un nouvel objectif, à savoir l’optimisation de l’accueil d’aviation d’affaires. En français, cela veut dire augmenter le nombre de vols de jets privés en Isère. Les isérois seront sûrement ravis d’apprendre que le Département subventionne l’accroissement du transport en jets privés qui, je le répète, ne sont soumis à aucune taxe sur les carburants et sont donc bénéficiaires de droits à polluer gratuits. 

Le projet de nouvelle Délégation de Service Public (DSP) inclut également une surprise, ou enfin oublie mystérieusement une activité, à savoir celle du transport sanitaire, annoncée à grand renfort de communication il y a presque deux ans maintenant. Les crédits pour la création d’infrastructures ont été voté dans cette assemblée. Nous nous y sommes opposés.

Une dérogation d’évaluation environnementale dans une ZNIEFF

Plus d’un après, la société Oyonnair n’est toujours pas arrivée avec sa dizaine d’avions et ses 46 salariés. Pourquoi, parce que le business d’Oyonnair est avant tout l’aviation d’affaires qui consiste à transporter des clients en jets privés. L’activité des vols sanitaires est mineure dans le modèle économique de l’entreprise. J’en veux pour preuve la dérogation à l’évaluation environnementale que le Département à déposé au début de l’année 2022 auprès de la préfecture de région. Cette dérogation a été acceptée à la condition que le nombre de rotations quotidiennes n’excède pas 2. 2 rotations quotidiennes pour une dizaine d’avions, cela n’équilibre certainement pas un compte de résultat. 

Au détour, nous remarquons l’incohérence de cette demande de dérogation à l’évaluation environnementale. Elle a été déposé pour la construction du hangar censé accueillir ces activités de transport aérien sanitaire puisqu’il est situé sur une Znieff, vous savez ces Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique dont vous avez vanté les mérites pas plus tard que le mois dernier en séance publique. 

En résumé

En résumé, avec le projet de nouvelle Délégation de Service Public (DSP), vous faites la promotion d’un mode de transport polluant, exonéré de contribution à l’effort budgétaire national, à destination des classes les plus riches via l’encouragement aux vols en jets privés, pour alimenter des stations de ski de hautes altitudes déjà surfréquentées, des subventions pour une activité structurellement déficitaire, un hangar construit et financé par le département sur dérogation à l’enquête environnementale sur une zone d’intérêts écologiques… 

Les conclusions sont sans appel. Il s‘agit d’un gâchis d’argent public, d’un désastre écologique et climatique, au bénéfice d’une infime partie de la population. En conséquence, nous vous demandons de renoncer à votre projet de nouvelle Délégation de Service Public pour l’aéroport de Saint Geoirs. 

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