Espaces Naturels Sensibles (ENS) : Un renoncement du Département

Crédit photo : G.Laget – www.tetras.org

Alors que la protection de la biodiversité fait partie de ses compétences, le Département de l’Isère est le grand absent de cette politique.

L’Isère dispose pourtant d’un patrimoine naturel rare: les zones de biodiversité prioritaires (ZNIEFF) sont deux fois plus importantes en Isère que dans le reste de la France. Elles représentent 20% du département. Or seules 1/4 de ces zones sont aujourd’hui protégées par différents types d’aires protégées (réserves naturelles, parcs régionaux, Natura 2000…). Les Espaces Naturels Sensibles n’en couvrent que 4% (cf carte à la fin du dossier de presse).

Il reste donc tant à faire ! Mais la majorité départementale annonce ne pas vouloir étendre le réseau des Espaces Naturels Sensibles, arguant que la priorité doit être menée sur la maîtrise foncière.

Télécharger le dossier de presse :

Intervention de Marie Questiaux en séance publique :

La biodiversité s’effondre sous l’impact des pressions humaines, principalement depuis plusieurs décennies. En 50 ans, le monde a perdu 70% de la population de la faune et de la flore. En France, le risque d’extinction des espèces s’est multiplié par 2 entre 2000 et 2020. Dans notre région, la dégradation des habitats est de 61%.
L’Isère n’échappe pas à cette tendance alors qu’elle dispose d’un patrimoine naturel rare. Les zones de biodiversité prioritaires (les ZNIEFF type 1) sont deux fois plus importantes en Isère que dans le reste de la France. Elles représentent 20% du département. Or seules 1/4 de ces zones sont protégées par différents types d’aires protégées (réserves naturelles, parcs régionaux, Natura 2000…). Les Espaces Naturels Sensibles n’en couvrent qu’une infime partie.


¾ des richesses naturelles iséroises sont encore à protéger, il reste donc tant à faire ! Mais la majorité départementale annonce ne pas vouloir « afficher une croissance du nombre de sites », arguant que la priorité doit être menée sur la maîtrise foncière.
Pourtant, il est tout à fait réalisable d’améliorer la qualité et la quantité, c’est d’ailleurs la demande des partenaires du Département, en premier les maires et les intercommunalités, qui préfèrent l’outil ENS aux autres outils de protection des richesses naturelles.Alors, comment expliquer ce coup d’arrêt ?


En décembre 2022, Marie Questiaux, conseillère départementale du canton Oisans-Romanche avait interrogé la majorité en séance publique budgétaire sur ses projets d’étendre le réseau des espaces naturels sensibles dans l’avenir. En effet, des remontées du terrain nous faisaient craindre un arrêt de ce soutien à la création de nouveaux sites. Le prétexte était que les ENS coûteraient trop chers. La majorité avait botté en touche en disant que le nouveau schéma serait en étude en 2023.


Pendant 2 à 3 ans, tous les projets de labellisation de nouveaux sites ont été gelés.
Puis, pendant le séminaire d’avril 2024, le Département annonce oralement qu’il s’est fixé comme objectif d’atteindre 150 ENS. Il en dispose 146, soit la création de 4 nouveaux sites. Sans doute que vu le mécontentement des élus locaux suite à cette annonce, la majorité a préféré ne pas afficher d’objectifs dans ce rapport.

Au lieu de cela, la majorité a déterminé des critères à la création de nouveaux sites qui sont extrêmement difficiles à atteindre. Et surtout ils sont contraires à toute logique. En effet, les collectivités publiques doivent maintenant détenir à minima 50% des terres pour tout nouveau site. Or, l’ENS est un outil essentiel pour détenir ces terres puisqu’il permet de préempter. C’est le serpent qui se mord la queue !

De plus, les ENS s’inscrivent dans le temps long. Les collectivités aidées par le Département doivent trouver des consensus sur les pratiques entre les différents acteurs et les différents propriétaires pour enfin convaincre ces derniers de vendre. La majorité décide donc de retirer aux communes les outils indispensables à atteindre ce critère obligatoire de 50% de maîtrise foncière. Et cela tout en se défaussant du support d’ingénierie pendant ce temps long. En somme, la majorité demande aux communes de grimper un escalier en une marche sans l’aide du Département. Quand son élément de langage c’est l’écologie pragmatique, là on est plutôt dans les « 12 travaux d’Hercule » ! Il est même écrit dans le schéma départemental que c’est pour responsabiliser les communes. Elles apprécieront l’ironie.

La réalité est que la majorité ne souhaite pas augmenter le budget dédié aux Espaces Naturels Sensibles alors qu’elle en a les moyens. Les revenus de la taxe d’aménagement, créés justement pour soutenir les ENS, ont largement augmenté depuis plusieurs années. Alors, pour ce faire, la majorité se cache derrière des éléments de langage bien rodés. Citons la « En cela, le nouveau schéma ENS s’inscrira pleinement dans une écologie concrète, pragmatique, proche du terrain, fondée sur une expertise technique et scientifique objective car non militante » – Bravo, la majorité a coché tous les numéros du Bingo en une phrase !


Allons désormais plus loin que ce schéma ENS et interrogeons-nous sur la politique départementale en faveur de la biodiversité. Si la majorité est si objective que cela, pourquoi avoir retiré du rapport la cause principale de la perte de la biodiversité, c’est-à-dire les produits phytosanitaires de l’agriculture intensive ? En effet, c’était inscrit dans le rapport du cabinet d’études auquel la majorité a fait appel pour construire ce schéma départemental. Mais cela a ensuite disparu du rapport final.

Le cabinet d’études avait d’ailleurs raison de le mentionner puisque l’EFESE (L’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques) le cite également en premier des causes de perte de biodiversité en France. Or, l’EFESE n’est ni une association militante ni un dangereux mouvement écoterroriste. C’est une plateforme scientifique-politique-sociétale pilotée par le ministère de la Transition écologique. Selon eux, « En France, en dépit de certaines améliorations durant ces dernières décennies, la biodiversité et les écosystèmes restent menacés par les impacts cumulés et de large ampleur des produits phytosanitaires, de l’artificialisation et de la dégradation des sols et de la pollution des milieux aquatiques continentaux et marins. »

De plus, la majorité a rejeté depuis 3 ans toutes nos propositions demandant des études scientifiques pour aider à la prise de décision politique
3 amendements dans le cadre des orientations pour la biodiversité en 2022
1 observatoire sur les haies dans le cadre d’un arbre, un habitant
4 amendements dans le cadre du plan transition écologique en 2022


En bref, la majorité dénigre perpétuellement les écologistes en les accusant de tous les maux. Mais elle rejette constamment toutes nos propositions basées sur la science.


La biodiversité mérite qu’on le protège comme l’on se doit de protéger les plus vulnérables. C’est une question de survie, c’est une question de respect et c’est surtout un rendez-vous avec les générations futures.
Peu de doutes que ce rapport, loin d’être à la hauteur des enjeux, soit un rendez-vous manqué avec l’Histoire.

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