Intervention de Thierry Badouard – Actualisation du Schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN)

Avec 525 millions d’euros investis, dont 300 millions d’euros d’argent public – et parmi eux 70 millions apportés par le Département – le déploiement du réseau de fibre optique sur le territoire est un projet d’envergure majeure pour l’Isère. Ce choix, nous le partageons, car le numérique est devenu un outil quasi incontournable dans le quotidien de tous et toutes.

En effet, en deux décennies, le numérique s’est imposé de partout dans nos vies. Les  services publics se sont largement numérisés. Partout, les agents du service public ont recours quotidiennement aux services numériques. La pratique du télétravail a explosé, de nombreux secteurs économiques voient leur développement facilité par un réseau numérique de qualité.

L’accès fiable et généralisé au très haut débit sur l’ensemble du territoire, est désormais un élément qui contribue à l’égalité républicaine.

Parmi les réussites de ce chantier de longue haleine, le déploiement du Réseau d’Initiative Publique (RIP) a permis de tendre vers une couverture quasi intégrale en Isère, tout en assurant la sécurisation des réseaux pour les services publics, notamment pour le SDIS.

Nous partageons également le principe de péréquation tarifaire qui a présidé au déploiement du réseau car il garantit un coût unique à la prise quelque soit la situation géographique de l’usager et, donc, participe à la cohésion du territoire.
Enfin, nous voyons avec intérêt l’émergence de nouveaux modèles comme les Groupes Fermés d’Utilisateurs (GFU), qui peuvent contribuer à protéger le service public de l’avidité des grands opérateurs privés.

Protéger le service public de l’avidité des grands opérateurs privés

Mais si nous partageons l’ambition du projet, nous devons aussi en regarder les limites avec lucidité. Aujourd’hui, la phase de déploiement est quasiment terminée, avec près de 460 000 logements et entreprises raccordables à la fibre optique, et, comme le souligne la Chambre régionale des comptes (CRC), il est temps pour le Département de reprendre pleinement le contrôle de la délégation de service public.

Les constats de la CRC sont connus et ne sont pas nouveaux, mais sont préoccupants car ils illustrent la difficulté pour nos collectivités de contrôler les grands groupes dans le cadre des délégations de service public, dans ce cas précis SFR. Dans son rapport, la CRC mentionne un manque de transparence régulier et manifeste du délégataire, une volonté de rétention d’informations stratégiques, des rapports incomplets sur la qualité du réseau et jamais conformes au contrat de DSP, un montage financier du délégataire pour financer la dette du Groupe SFR au détriment du coût du service public, et enfin, je cite le rapport, “une part importante de frais de siège pour l’utilisation des services supports”. Malheureusement, l’application de pénalités financières par le Département n’ont pas été dissuasives pour ce mastodonte des télécommunications et de la finance. 

Des réserves de la part de la chambre régionale des comptes

Toutefois, la CRC esquisse des perspectives nécessaires en matière de contrôle de la DSP qui court jusqu’en 2041. En évoquant les pénalités, ses rédacteurs écrivent que « Les montants demandés sont au plafond pour la partie déploiement, mais encore loin pour l’exploitation, et le Département dispose encore d’une marge de manœuvre pour exiger le respect de la DSP. » 

Autrement dit, le contrôle de l’exploitation doit désormais devenir prioritaire pour les 15 ans de DSP qu’il reste car la qualité de service demeure difficile à mesurer, faute de données fiables fournies par le délégataire. 

La CRC pointe également le défaut de pilotage politique durant la phase de déploiement et surtout l’absence de mesure des impacts d’un tel investissement. Les rédacteurs écrivent ainsi « Aucun indicateur chiffré ne permet aujourd’hui de confirmer les effets du THD sur l’attractivité et la cohésion du territoire. Au vu des sommes en jeu, il serait utile de mettre en place des indicateurs pour évaluer l’impact de la fibre optique. » et concluent qu’« Une réflexion doit être menée pour établir des indicateurs pertinents afin de rendre compte des utilisations du réseau et de son impact sur l’attractivité et la cohésion du territoire ». 

Revenir aux fondamentaux

Aussi, avant que le Département n’engage des investissements supplémentaires, notamment sur le réseau LoRa, il nous semble important de revenir à l’objectif initial du schéma directeur territorial d’aménagement numérique de 2011 qui était d’éviter toute fracture numérique. Pour cela, nous demandons la mise en place d’une étude de mesure et d’évaluation de l’impact réel de la fibre optique, non seulement en matière d’équipement, mais surtout en termes d’usages, d’accès aux services publics et de lien social. C’est en permettant un usage démocratisé que le numérique, loin d’être un outil de fracture, deviendra un véritable levier d’inclusion, d’efficacité publique et de cohésion territoriale.

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