L’eau est un enjeu vital. C’est aussi un bien naturel commun qui souffre d’ores et déjà du dérèglement climatique et dont les effets ont des conséquences significatives sur le quotidien de nombreux Iséroises et Isérois, en particulier lors d’épisodes de sécheresse conduisant à des restrictions. Cette ressource naturelle, si essentielle à la vie sur terre, est également mise à mal par les pollutions industrielles. Ainsi, la crise de sécheresse actuelle ne se limite pas à une question de quantité d’eau disponible, mais englobe également des enjeux de qualité. En effet, à mesure que la sécheresse persiste, la capacité de dilution des polluants dans l’eau diminue, exacerbant les risques pour l’environnement et la santé publique.
À ce titre, une récente actualité a mis en lumière la présence généralisée de polluants éternels (PFAS), substances nocives pour la santé humaine (classées cancérigènes par le Centre International de Recherche sur le Cancer) et pour la biodiversité, dans de nombreuses communes françaises. Cette mise en évidence découle d’une vaste campagne d’analyse de l’eau potable rendue publique en mars 2024 par des collectifs citoyens et militants du parti Les Écologistes. Les résultats des analyses effectuées par le laboratoire Eurofins ont révélé que, sur les 26 communes françaises, 80% d’entre elles présentaient la présence de PFAS.
En Isère, le 8 mars dernier, des militants écologistes ont mené une étude similaire en analysant l’eau du robinet de 32 communes. Au total, 27 comportaient des PFAS, ce qui représente plus de 84 % des localités testées. Ces résultats, très inquiétants, le sont d’autant plus lorsque l’on sait que la commune Le Péage-de-Roussillon, possédait des taux de polluants 61 fois supérieurs à la norme européenne. Il s’agit d’un véritable enjeu sanitaire qui doit nous alerter pour la santé des habitants de la zone, d’autant plus que, selon l’Agence Régionale de Santé (ARS), ce territoire possède un taux de cancer plus important que la moyenne française.
Les questions qui se posent alors sont d’où provient cette pollution ? Qui sont les responsables ? Qui va payer la facture de la dépollution ?
La présence de nombreuses industries sur le territoire Isère Rhodanienne semble être une piste tangible au regard de l’origine des polluants. Quoi qu’il en soit, l’émergence dans le débat public de la présence très répandue des PFAS dans nos territoires met en lumière l’importance des lanceurs d’alertes et des collectifs citoyens. Aussi, il convient que les citoyens et citoyennes, premiers concernés par la qualité de leur eau potable, soient pleinement inclus dans les débats et dans les processus décisionnels. Leur implication est essentielle pour garantir la transparence et la légitimité des actions entreprises par les pouvoirs publics quant à la préservation de la ressource en eau.
C’est le message que nous avions porté un mois plus tôt lors d’un déplacement en Isère Rhodanienne. Nous avions alors visité le projet de détournement du Rhône censé approvisionner en eau la réserve naturelle de l’île de la Platière, asséchée par les prélèvements industriels du secteur. Nous nous étions exprimés sur la nécessité d’inclure les habitants, les collectifs et les associations environnementales dans le comité de pilotage du PTGE (Projet de Territoire de la Gestion de l’Eau) afin d’assurer la transparence des informations et la participation citoyenne aux décisions. Les résultats des prélèvements PFAS appuient l’intérêt de notre demande que nous réitérons.
Dans cette optique, l’idée d’un Parlement de l’Isère prend tout son sens. Cette initiative, principalement impulsée par France nature environnement Isère, serait un collectif interdépartemental d’associations, de citoyens, d’entreprises, de collectivités qui se réuniraient pour s’informer, débattre et faire des propositions autour de la gestion de l’eau en tant que bien commun. Cette instance de réflexion collective serait le reflet de la diversité des parties prenantes concernées par la question de l’eau, permettant ainsi une représentation équilibrée des intérêts et des perspectives.
Jeudi 25 avril, nous nous sommes rendus au lac de Paladru afin d’assister à un séminaire, organisé par le Département de l’Isère et la Préfecture, au sujet de la gestion de la ressource en eau sur le territoire. Nicolas Alban, directeur de la Délégation lyonnaise de l’Agence de l’eau, a alors rappelé l’importance de privilégier les solutions basées sur la nature étant les moyens d’action les plus robustes et les moins coûteux. Il a également rappelé la nécessité d’inclure les usagers isérois dans la réflexion et a affirmé que “les solutions n’étant pas certaines, il faut que les décisions soient prises collectivement, car il y aura des échecs”.
Nous partageons cette vision, soulignant l’impérieuse nécessité d’intégrer les citoyens et citoyennes aux discussions démocratiques. Cette démarche nous semble indispensable alors que les pressions sur ce bien commun se font de plus en plus pressantes : périodes de sécheresses prolongées, pollutions, répartition de ses usages.