Monsieur le président, chers collègues,
M. le vice-président nous a présenté le contexte dans lequel s’inscrit le budget de l’année 2024 et surtout son interprétation, qui est dans la droite ligne des deux premiers débats d’orientation budgétaire du mandat. D’après la présentation que vous venez de faire, elle n’a finalement que peu changé:
- la robustesse de l’économie Iséroise, notamment au regard d’autres départements de la région, qui se vérifie d’année en année, quelles que soient les crises que notre société traverse, un gage de confiance en quelque sorte.
- Mais aussi un environnement menaçant (terme que vous aviez déjà utilisé lors du DOB 2022), pour de multiples raisons.
Le contexte vous menaçait donc vous avez été prudents, principalement dans le champ des politiques sociales. Or, cette prudence excessive a permis au Département de faire beaucoup d’économies puisqu’il a capté des recettes de fonctionnement en forte hausse et dépensé de façon bien moins importante. En témoignent les montants d’épargne brute records atteint ces trois dernières années, y compris en 2023. Depuis 2021, le département a enregistré un accroissement d’épargne brute de plus de 150 M€ par rapport aux niveaux historiques de notre collectivité. Les politiques sociales étant la principale mission du département, ce ne sont donc pas moins de 100 M€ supplémentaires qui auraient dû être orientés vers les politiques de solidarités.
Fort de ce trésor de guerre construit sur le budget de fonctionnement des politiques sociales, il est ainsi aisé pour la majorité d’investir cet argent dans des opérations à forte portée médiatique. Mais en réalité, ces actions ne cachent pas le manque de présence du Département sur ses compétences propres et cela commence sérieusement à se sentir chez nos partenaires.
Durant la même période, les ménages isérois, eux n’ont pas pu faire des économies comme votre majorité : les dépenses contraintes des ménages telles que l’alimentation et les consommations énergétiques ont augmenté respectivement de 20% et 25%. Cette augmentation du coût de la vie, vous le savez, frappe d’autant plus fort les ménages les plus démunis.
Nous l’avons vu au cours de la séance, vos orientations politiques passées ont contribué à dégrader en Isère une situation déjà difficile au niveau national:
- les finances des établissements d’accueil des personnes âgées ou en situation de handicap, ainsi que les services d’aide à domicile sont dans le rouge, comme ils ne l’ont jamais été auparavant.
- Vous avez fait le choix de ne pas réévaluer les ressources de vos partenaires du médico-social à la hauteur des augmentations de salaires, ce qui accroît leur difficulté de recrutement. Comme vous l’écrivez si bien dans votre document DOB « dans un contexte de forte inflation, le quasi-maintien des dotations équivaut à une baisse de ces dotations ».
Mais encore plus grave, vous abandonnez officiellement dans vos orientations politiques pour 2024 la lutte contre le non-recours au droit. Pourtant, le concept de l’aller-vers était si justement décrit par votre majorité il y a 2 ans. Ainsi, le DOB 2021 mentionnait “Dans un contexte de recul des services publics, d’éloignement géographique, de digitalisation de la société et de disparition des permanences de proximité, le travail social doit faire face à une massification des problèmes sociaux, un phénomène de non-recours (…). L’un des leviers pour redonner du sens aux pratiques de travail social est d’agir en prévention : repérer et prévenir plutôt que de réparer.(…) Aller-vers c’est aussi donner envie au public de revenir (…) vers les services sociaux”.
Pour 2024, ces intentions ont tout simplement disparu et l’aller-vers consiste uniquement à être capable de se déplacer ou de digitaliser la relation avec les personnes déjà accompagnées.
Votre majorité fait le choix politique du retrait du Département dans les actions de repérage des personnes en difficulté et de déléguer ces missions aux CCAS, donc aux communes et aux fournisseurs d’énergie dans le cadre du FSL.
D’autres collectivités ont fait le choix fort de mettre en œuvre des dispositifs d’aller vers au sein même des structures et notamment dans les files d’attente pour la distribution alimentaire.
Il est temps que votre majorité prenne la mesure de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les familles et les organismes qui les accompagnent au quotidien. Nous attendons du Département de l’Isère qu’il sécurise ses partenaires engagés dans les politiques sociales en leur donnant des perspectives financières pluriannuelles robustes et crédibles. Mais aussi qu’il prenne sa part dans l’aller-vers les personnes en difficulté en travaillant sur les causes, les repérages et non uniquement sur des opérations de réparation à grand renfort de communication dans la presse.